La reproduction 2005

Usine Novacarb à  "La Madeleine"

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02/2005 Charlotte
26/02/2005: Charlotte est à une quinzaine de jour de sa ponte. Le bas ventre est large. Le jabot plein d'une proie récemment ingurgitée, elle se dore au soleil en guise de digestion.
La saison 2004 s'est soldée par l'envol de deux jeunes femelles (Mathilde et Rita). Charlie et Charlotte sont restés cantonné sur le site de la basilique jusqu'à la fin de l'année. Nous entrevoyons avec confiance une nouvelle perspective de reproduction sur la basilique pour 2005. Des signes annonciateurs  ne trompent pas puisque depuis fin décembre ont peut observer des pariades du mâle; puis des accouplements se succèdent durant le début de l'année 2005, ainsi que de multiples échanges ou offrandes de proies


A partir de début mars, Charlotte est de moins en moins observée. C'est bon signe. Elle a dû commencer à s'installer dans la basilique. A la différence de l'année dernière, nous ne l'observons pas sortir ou entrer du clocheton sud. Ce qui est inquiétant, vers la mi mars, c'est que nous  ne l'observons plus du tout sur la basilique. A la fin du mois de mars, c'est carrément l'angoisse, elle a disparu. Charlie, quant à lui, est observé en début et fin de journée. Il dort sur la basilique, mais au matin, après quelques tentatives de chasses, il disparaît, avec ou sans proie en direction d'un secteur Sud-est à Sud-ouest.

lever du jour
lever du jour
immeubles vandoeuvre
Observation à la lunette des hauts d'immeubles, à la recherche de Charlotte.

Nous entamons une période où une prospection active de tout édifice suffisamment élevé est l'objet d'attentions régulières afin de détecter la présence éventuelle d'un faucon pèlerin. Des observations répétées sur les hauts de Vandoeuvre, dans l'ancien parc forestier anciennement dévasté par la tempête de 1999 a permis de scruter au mieux les toits des immeubles.
Nous avons aussi tenté de suivre Charlie en nous dispos
ant sur un axe sud-ouest, à 3 observateurs et en relais talkie. Grâce à l'espace dégagé du parc Pouille de Vandoeuvre, nous espérions mieux localiser le site de nidification, en vain. Le 04 avril, nous postons une lettre aux habitants de la tour St Charles afin d'engager un contact auprès du gestionnaire du bâtiment et d'obtenir l'accès à la plateforme sommitale. La société Bâtigère nous l'accorde rapidement, mais après un trop long attentisme de Frank Hipp, coordinateur du moment, la situation se débloque vers le 10 mai ... plus d'1 mois après (!)

Tour St Charles
La  tour St Charles à Vandoeuvre
obs tour St Charles
Mai 2005: vue du haut de la tour

La terrasse sommitale de cet ancien chateau-d'eau offre un point de vue circulaire sur l'ensemble de l'agglomération nancéienne, voir au-delà.
A partir de ce poste d'observation idéalement situé, nous allons suivre les mouvements matinaux de Charlie avant qu'il ne disparaisse pour la journée.
Le 16 mai, Charlie part en chasse en direction du parc Sainte-Marie. Il en revient, chargé d'une proie mais au lieu de se poster sur la basilique, tout en laissant cette dernière sur le côté, il continue son vol vers le Sud-Est. Nous le suivons péniblement aux jumelles avant que sa
silhouette disparaisse dans la direction de la basilique de Saint-Nicolas-de-port, approximativement entre deux hautes cheminées du secteur de "La Madeleine"

SNdP et La Madeleine
Février 2005. Digiscopie, vue des hauts de Vandoeuvre

Septembre 2007. Digiscopie, vue des hauts de Laxou

Nous sommes étonnés par cette disparition lointaine et pensons tout de suite à visiter les recoins extérieures de la basilique à St Nicolas de Port. C'est gonflé d'espoir qu'une fois sur place nous sommes forcés de constater l'absence totale de pèlerin. Les quelques centaines de pigeons, les dizaines de corvidés et le couple de crécerelle sont des preuves supplémentaires et c'est dubitatif que nous rebroussons chemin. A la hauteur d'Art sur Meurthe et à mi-chemins entre les 2 villes, par acquis de conscience, nous jettons une dernier coup d'oeil sur ces 2 cheminées d'usine. Nous repérons enfin une silhouette familière, perchée sur la cheminée de l’usine Novacarb !

usine
Le site de "La Madeleine"
charlotte retrouvée
Charlotte sur la rambarde, au dessus de l'aire

Arrivés sur site, nous pouvons constater la présence de cette femelle adulte qui, en conséquence, serait Charlotte postée sur la deuxième passerelle de maintenance de la cheminée (à 68 m du sol).

La Madeleine est le nom du lieu-dit où se situe l'usine Novacarb, sur la commune de Laneuveville-devant-Nancy.
Localisation :


plan agglo nancy

C’est à 8 kilomètres à vol d’oiseau de son site initial qu’elle avait choisi de déposer une ponte que nous considèrerons "de remplacement". Charlie, fait donc des aller-retours entre la basilique et le site adopté par la femelle. Cette dernière a choisi un ancien nid de corneilles, posé sur la passerelle.







Vue du site à partir de l'usine Novacarb


(Photo : Eric Reignier - Novacarb)
Une équipe d'entretien de l'usine a été forte surprise de se retrouver nez à nez avec ces volatiles, au début du mois de mai. Ils en ont profité pour prendre cette photo.

Néanmoins, et je m'adresse aux apprentis photographes animaliers, il ne faut jamais prendre intentionnellement ce type de photo. L'éthique est formelle :

Prendre le risque d'un échec de reproduction d'une espèce protégée pour une photo n'en vaut pas la peine et est condamnable aussi bien dans le milieu des naturalistes qu'au regard de la loi. Nombre d'échec de reproduction sont dû à cette pratique. Il en va de la survie de l'espèce.


Un jeune mâle a été retrouvé mort au pied de la cheminée. Son âge estimé est de 35 jours. Son plumage n'est pas complètement développé. Il est probable que l'intervention des employés a provoqué son son envol prématuré. Nous payons de fait la lenteur de notre réaction après la constatation d'échec sur NDdL.
La première jeune femelle à tenter l’envol aux alentours de son 45ème jour (nous l’avons baptisée Madeleine ) a pu heurter l’un des nombreux obstacles en contrebas ou, malhabile, loupé son aterrissage lors de son premier envol, sur la passerelle inférieure et se retrouver blessée au sol.

23/05/2005: Alors que je m'installe sur le parking de l'usine pour observer les rapaces, le gardien m'aborde et m'indique que des employés ont récupéré un rapace. Renseignement pris et après constatation, je fais relâcher l'animal, qui ne s'envole pas. Les employés m'expliquent que l'oiseau se faisait attaquer par des corbeaux. Charlotte est présente sur la rambarde de la plateforme de la cheminée. Nous sommes observés. Je ne sais pas quoi faire. Au bout d'1/4 d'heure, deux corneilles (ce n'était pas des corbeaux), piquent sur le jeune faucon. Il ne s'envole toujours pas. Il y a manifestement quelquechose qui cloche. Je me décide à soustraire le faucon aux attaques des corneilles. Lors de ma première tentative de capture (avec gants et lunettes de protection), je constate que Madeleine, ne fait que marcher et que son aile gauche traine au sol. Il n'y a plus à hésiter : Capture, mise dans une caisse sombre pour protéger et rassurer l'oiseau, évacuation ultérieure dans la matinée et contact avec Régis Cavignaux, vétérinaire à Essey les Nancy.
Son aile est cassée. Elle sera soignée puis transférée en centre de soin pour animaux sauvages.



Le cadavre du jeune mâle, retrouvé au pied de la cheminée

23/05/2005 : Jour de la récupération de Madeleine. son aile gauche traine au sol

Il reste une seconde jeune femelle qui prendra son envol et aura plus de chance que sa soeur.Nous l'avons baptisé Claire et elle s'est fort mieux adaptée à son environnement industriel, se déplaçant même sur le pylône électrique haute tension le plus proche. De plus en plus autonome, vers la fin juin, elle a finalement  suivi ses parents jusqu'à ND de Lourdes, que son père n'a jamais délaissé. La petite famille a terminé son cycle de reproduction jusqu'à l'émancipation de Claire, dans la première quinzaine d'août.

 Cliquez sur les photos numérotées pour les agrandir

1

2
1 : Charlotte prepare une proie qu'elle livrera à Claire.
2 : Claire, perchée à quelques mètre de l'aire.
3 : Claire s'est installée sur la basilique.
3  


Epilogue :

Madeleine, l'aînée que nous avons laissé au centre de soin vosgien, a été finalement relachée sur son lieu de convalescence. Nous restions péssimistes quant à ses chances de survie, malgré le professionalisme exemplaire du personnel. Relachée loin de son site de naissance, elle perdait une chance supplémentaire pour se faire aider par ses parents. Mais nous serons toujours surpris et apprendrons toujours sur les capacités d'adaptations de la vie animale. Munie d'un micro émetteur, elle a été détectée pendant au moins 5 semaines, ce qui signifie qu'elle s'est adaptée à son nouvel environnement et a donc survécu à son accident. Notre action n'a pas été vaine et nos efforts récompensés.

Ce que l'on peut retenir :

Cette espèce au statut encore fragile qui a décidé de s'installer en milieu urbain, en fonction de facteurs qui lui sont propres et dont nous ne maitrisons pas toute les composantes, peut se trouver en sérieuse difficulté, par les activités humaines. Détecter sa présence, prévenir tout dérangement en informant, faire des surveillances ponctuelles et à distance sont des atouts non négligeables pour lui assurer un succès de reproduction.

Nous remercions la société Batigère ainsi que monsieur Gilles Schaff directeur de l'usine Novacarb
et ses employés pour leur collaboration. Sur le cas "La Madeleine", nous n'avons pas été assez rapide pour retrouver Charlotte.

Pourquoi avoir roquer sur "La Madeleine" :

Nous ne savons pas pour quelle(s) raison(s) Charlotte a décidé au dernier moment de pondre ses oeufs sur le site de "La Madeleine". A l'heure actuelle nous  avons 6 pistes :

1- Le froid :
Des chutes de neiges se sont prolongées assez tard dans le mois. Cette raison ne nous convainc pas car le faucon pèlerin s'acclimate aisément à ces conditions. La cheminée, plus chaude que le clocher de la basilique, offrait un site plus confortable ? Mais gardons nous d'un anthropomorphisme facile.

2- Les femelles immatures :
La présence d'une femelle immature a été notée dans les 15 jours avant la ponte théorique. Ceci a très bien pu perturber le couple. Pour l'anecdote, le jour de notre "journée de la femme", Charlie fit un piqué sur Charlotte en présence d'une autre femelle immature.

3- Le changement de substrat de l'aire :
Le jour de l'installation du nichoir nous avons observé que les 2 m² laissés, l'hiver précédent pour la femelle, après netoyage du reste de substrat, étaient éparpillés, ne laisant qu'un espace bétonné en son centre. Charlotte avait déja entamé son installation dans le clocher. Ce plancher bétonné l'aurait perturbé; les vibrations des cloches n'étant plus filtrés par le substrat de matière organique.

4- Un dérangement que nous n'avons pas détecté : Du style prédation par un corvidé.

5- Une autre explication, reprise sur le site de RJ Monneret :
"Par exemple, pour se reproduire le Pèlerin ne choisit pas nécessairement le même site d’une année à l’autre, et sur le même site, n’établit pas non plus nécessairement l’aire exactement au même emplacement. Cette instabilité, dans le choix de l’aire, peut paraître incohérente de prime abord, quand une aire très productive est abandonnée au profit d’une autre de moindre qualité. Mais ces changements annuels sont probablement positifs pour la population dans son ensemble, en permettant aux oiseaux de « diluer » les risques liés aux intempéries ou à la prédation, à laquelle une aire particulière peut être exposée."

6- La raison mystère.

Pour finir, la dernière piste pourrait-être aussi une combinaison de plusieurs de ces facteurs.


Patrick BEHR

Décembre 2010 : La reproduction 2005, peut-être élucidée

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